François Reichenbach signe avec Illuminations une œuvre d'une modernité saisissante, fusionnant la puissance visuelle du cinéma et la musicalité incantatoire des poèmes de Rimbaud. Ce film rare, tant par son fond que par sa forme, se pose comme une exploration sensorielle du monde moderne, transcendé par la parole du poète et ponctué par la musique de Michel Legrand.
Comme un prologue, Reichenbach ouvre son film sur un paysage bucolique, baigné de lumière : « Dans la feuillée, écrin vert, taches d'or, dans la feuillée incertaine et fleurie… » Puis, brutalement, une aube au ciel rouge déchire les nuages. L'écran s'embrase alors que nous pénétrons New York par le Golden Gate. Ses structures métalliques strient l'image de barres horizontales, l'acier se dresse, les verticales s'élancent vers le ciel en fusion, et dans le jour naissant, des fumées noires montent lentement.
« À droite, l'aube d'été. »Reichenbach joue du contraste entre la mégapole qui s'éveille et la poésie qui l'envahit. Il coupe le son de la ville, efface son tumulte, pour lui préférer les vers du poète : « Les ornières du sentier s'entrelacent en fresques vagues. » L'image devient poésie en mouvement. La ville, sous son œil, se mue en féérie géométrique : courbes, lignes, éclats de lumière suspendue.
C’est une ville abstraite que l’on découvre, un tableau en perpétuelle mutation. Enfin, sous le plein jour, la ville surgit pleinement. « Je vis s’éveiller en moi l’inflexible fanfare des aurores. »
Le rythme s’accélère. Les rails apparaissent, les courbes métalliques des chemins de fer s’entrelacent, les vieux wagons semblent être des ossements du passé. Après une longue traversée de cette architecture décharnée, presque squelettique, surgissent les visages. Des hommes, des femmes, des enfants figés sur un quai, ou simplement debout sur un trottoir. Puis, enfin, le mouvement reprend : un groupe de jeunes gens déambule, parade, fume, vit. L'humain reprend le pouvoir sur la ville. Mais déjà, la nuit referme ses griffes sur la mégapole.
La lumière s’efface, engloutissant New York dans un noir profond, constellé de points lumineux. « J’ai seul la clé de cette parade sauvage. » Puis le jour revient, tranchant soudain la pénombre. Des mains ridées se dévoilent, les immeubles se dressent, cous tendus vers le ciel. Le paysage se redessine, et c’est la lumière qui sculpte à nouveau l’espace.
Illuminations
- Support d'origine : 35 mm, couleur
- Réalisation : François Reichenbach, Jonathan Bates
- Auteur de l'oeuvre originale : Arthur Rimbaud
- Narrateur : Jean Négroni
- Production : Les Films de La Pléiade
- Producteur délégué : Pierre Braunberger
- Musique originale : Michel Legrand
- Prises de vue : François Reichenbach
- Production déléguée : Les Films de la Pléiade
- Exportation / Vente internationale : Les Films du Jeudi
- Genre : Documentaire
- Durée : 9 minutes
- Date de sortie : 1963